N°4
7.7
N°4

Album de Serge Gainsbourg (1962)

La fin (brillante) d’un 1er cycle.

Gainsbourg avec ses 3 premiers albums n’avait pas vraiment marqué les esprits d’une époque injuste, ne comprenant pas qu’il était face à un artiste exceptionnel. Il devait continuer d'écrire pour les autres afin de vivre de sa musique. En 1962, l’heure était aux yéyés auxquels il va régler leurs comptes dans « Requiem pour un twisteur », à travers le twist et autres danses à la mode de l’époque. Serge élargit ici sa palette. Bien sûr, le jazz est toujours là puisqu’il fait partie de son ADN, mais un jazz moins swing (comme c’est le cas par exemple dans « Black Trombone », superbe) qu’un jazz très groovy et qui s’ouvre aux rythmes latins. Quant à l’écriture, elle est magistrale, moderne et inventive, quand il évoque ses addictions dans « Intoxicated Man » : «Je bois/ À trop forte dose/ Je vois/ Des éléphants roses/ Des araignées sur le plastron/ D'mon smoking/ Des chauves-souris au plafond/ Du living-Room ». Ou encore dans « Les cigarillos » : «Les cigarillos ont cet avantage de faire le vide autour de moi/ J'en apprécie le tabac et la prévenance/ Les cigarillos ne sont pas comme moi, empreints de timidité ». Il se permet même d’adapter « Le serpent qui danse » de Baudelaire dans la chanson qui porte le nom du poète (vraiment bien). Les jeux de mots s’enchaînent, brillant et sans facilité : «Je ne sais hurler avec le vous/ Ah, quel animal que ce vous/ Mais comment savoir dans cette rivalité/ Qui de l'homme ou du vous l'emporte en cruauté? » (« Le grand méchant vous »).

4 morceaux ont été ajoutés dans la réédition CD et trois n’ont pas grand intérêt : "Vilaines filles, mauvais garçons" et "L’appareil à sous" sont deux morceaux typiquement yéyés, l’un écrit pour Petula Clark, l’autre pour une certaine Brigitte Bardot qui va jouer un rôle important dans sa vie. On peut dire que ces titres tranchent après les excellents morceaux qui les précèdent et les voir comme des « morceaux alimentaires ». « Un violon, un jambon » n’a aucun intérêt. Heureusement, reste « La Javanaise » écrite à la base pour Juliette Greco, il en donne ici sa version, mêlant une mélodie sublime et des paroles poétiques riches en allitérations. Seuls les chœurs qui l’accompagnent ont un peu vieilli mais c’est une chanson qui est entrée dans la mémoire de la chanson française et qu’on ne peut s’empêcher de chanter quand on l’entend (j’ai essayé et je n’ai pas réussi !). Je me revois ado la chanter en 1988 aux Francofolies de La Rochelle, avec 15 000 personnes, magique ! Cet album a été un nouvel échec commercial pour Serge et pourtant il est magnifique, totalement méconnu, quel dommage. On peut y voir comme la fin d’un cycle au début de sa carrière. C’est désormais de plus en plus vers la pop anglo-saxonne qu’il va se tourner pour conquérir un nouveau public.

8
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le 30 avr. 2025

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JOE-ROBERTS

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Magnifique écriture

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