En termes purement esthétiques, on pensera ce qu'on voudra des 150 pages au potentiel hallucinatoire constituant le plot du Dieu Vagabond, il faut reconnaître à la patte de Dori un doigté parfaitement cohérent vis-à-vis de la thématique mythologique réactualisée qu'il a décidé de restituer. Même si certains choix graphiques comme l'aspect de ses fantômes ou de certains de ses décors – urbains et forestiers en particulier – peuvent manquer de consistance.
Son scénario, quant à lui, ne manque que rarement de briller par ses raccourcis pour le moins déroutants. Il expédie notamment la fin de parcours des compagnon d'infortune d'Eustis avec trop de simplicité et de détachement pour que puisse se ressentir une réelle rupture vis-à-vis du déroulé de l'intrigue. En autant de morts parachevant des quêtes aux aboutissements émouvants, nonobstant pas assez bouleversants.
Par rapport aux partis-pris de modernisation du canon mythologique assumés par Dori, la démarche manque tout autant de pep's. Tandis que la métaphore des Lotophages matérialisés en fête foraine manque cruellement d'originalité, la subtilité d'Arès grimé en vieux militaire acariâtre pose ses gonades sur la table avec force discrétion, et je vous en épargne des kilotonnes par pur gain de temps.
En fait, si la démarche de Dori gagne à se parer d'une dimension infiniment plus poétique que le brut de décoffrage sous-tendant American Gods, voire plus harmonieux que l'éclatement assez foutraque de la série Fables, elle s'engonce de fait dans son manque d'épaisseur et son humour souvent poussif. Trop de regrets en regard d'un scénario que l'on devine si travaillé dans la richesse et la féerie de ses circonvolutions...