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Ce qui fait défaut à cette adaptation cinématographique du roman de Remarque n’est autre que le point de vue interne adopté par le livre et tenu du début à la fin, là où le film y recourt ponctuellement dans la perspective d’effets qui, parce qu’ils sont concertés, le fruit d’un calcul, annihilent l’authenticité et la charge immersive de l’œuvre originale. L’absence de focalisation unique, la dispersion du récit entre les tranchées, le chef-lieu et le wagon de l’armistice situé dans la clairière de Rethondes, tout cela occasionne une artificialité dommageable : l’omniscience focale, l’explicitation des enjeux et des motivations de chaque acteur donnent l’impression de suivre un cours d’Histoire synthétisant en deux heures la Grande Guerre. Le cinéma, là-dedans, se réduit à sa dimension technique, comprenons la qualité de la reconstitution, la fluidité du plan-séquence, la photographie soignée ; jamais il n’est abordé par le prisme du mystère et de l’intériorisation d’une guerre récitée mais peu éprouvée. Nul hasard, par conséquent, si le long métrage a récolté deux Oscars techniques, celui des meilleurs décors et direction artistique et celui de la meilleure photographie, comme son prédécesseur et modèle 1917 (Sam Mendes, 2019).

La partition musicale de Volker Bertelmann s’avère digne d’intérêt parce qu’elle compose des pistes lancinantes perturbées par des décharges électroniques comme éclate un obus dans un paysage sonore aussitôt troublé. Pour autant, Im Westen nichts Neues demeure conventionnel, et ses partis pris esthétiques frôlent la complaisance dans les sévices représentés ; autant dire qu’il trahit davantage qu’il ne traduit visuellement l’œuvre littéraire de Remarque. On préférera, et de loin, Die Brücke (Bernhard Wicki, 1959), peinture bouleversante de sept adolescents qui, après avoir été endoctrinés, défendent bec et ongle un pont alors même qu’il ne représente aucun intérêt stratégique.

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le 11 mai 2023

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