Aïcha
6.8
Aïcha

Film de Mehdi M. Barsaoui (2024)

Être une Tunisienne libérée, c'est pas si facile !

Le postulat du protagoniste, vivant une bonne grosse existence de merde, qui, par un accident du sort incroyable, est considéré à tort comme mort et profite de cet état de fait pour aller mener ailleurs une existence bien différente, plus conforme à ses désirs profonds, mais avec le poids du é prêt à débarquer à tout moment pour tout gâcher... bref, ce postulat a été tellement souvent employé que si ce film ne s'était qu'appuyé sur cela, on n'en aurait pas tiré grand-chose d'intéressant...


Mais, dans Aïcha, ce postulat est surtout un prétexte pour exécuter un portrait de la société tunisienne après la révolution de 2011, et c'est ça qui rend le tout prenant. Sans surprise, le pays n'a pratiquement pas changé après les événements. Le pouvoir est toujours entre les mains d'une petite caste pouvant tout se permettre. Les inégalités, la corruption, l'hypocrisie et le patriarcat se portent à merveille. Ce qui fait que la Tunisie est une bonne petite société bien dysfonctionnelle, idéale pour servir de toile de fond dans un thriller psychologique intense.


Porté par l'excellente interprétation de la charismatique Fatma Sfarr, le tout suit donc une jeune femme qui troque une prison pour une autre, car il est difficile d'en être autrement quand on ne joue pas pleinement avec les règles de la pourriture ambiante. Et, entre autres, pour ce qui est du patriarcat, loin de tout manichéisme simpliste (dans lequel les hommes seraient tous des oppresseurs et les femmes des victimes en puissance !) auquel on aurait pu s'attendre, il est bien montré qu'il y a des hommes qui sont écœurés par le système, mais qu'il y a des femmes qui s'en accommodent parfaitement. Oui, parce que, symptomatique de cela, à l'exception notable d'un personnage, pour ce qui est de la solidarité féminine, l'héroïne peut clairement se brosser.


Et, si notre malheureuse se voit sans cesse enfoncer du fait de cette pourriture ambiante, c'est cette même pourriture ambiante qui, ironiquement, lui permet de très bien s'en tirer à la fin, une fois qu'elle a compris que pour gagner, il faut jouer avec les cartes viciées qu'elle possède.


Si le tout pâtit de quelques dialogues trop explicatifs de la situation des divers personnages, pour qu'ils apparaissent naturels, ainsi que d'un final un peu trop précipité par rapport au reste, la manière juste avec laquelle Mehdi Barsaoui (dont c'est le second long-métrage et le premier que je vois de lui !) dépeint, d'une façon implacable, mais remarquablement contrastée, son pays, parvient à emporter l'adhésion.







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le 21 mars 2025

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Plume231

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