De Bertrand Blier, j'avais bien apprécié à sa sortie "les valseuses", sorte de road-movie de deux êtres primaires qui s'installent dans la vie sans gêne et la croquent à belles dents aux dépens des gens qu'ils sont amenés à rencontrer. Il y avait bien quelques situations absurdes comme des personnages absurdes mais largement couverts (habillés) par des aspects irrévérencieux, amoraux, impudiques et paillards.
Quelques années plus tard, Bertrand Blier récidive et pousse encore plus loin le raisonnement en mettant en scène des personnages absurdes dans des situations absurdes mais en faisant tomber les masques et en faisant apparaître les personnages tels qu'ils sont, bruts de fonderie sans historique pour les habiller, sortis de nulle part.
Un chômeur au couteau (Depardieu), un inspecteur (Blier), un assassin (Carmet) habitent dans des logements vides, situés dans des immeubles vides. Personnages normalement non compatibles, ils sont, de façon absurde, amenés à sympathiser, voire à s'entraider et même à commettre de nouveaux crimes. On est dans un monde noir où il n'y a (presque) plus de réticence ou d'équivoque face à la mort ou au crime. En effet, Carmet avoue naturellement avoir tué la femme de Depardieu sous l'œil bienveillant du flic Blier.
Mais, alors que l'immoralité et l'impudence des "Valseuses" aient bien auprès des spectateurs grâce à la truculence des personnages et des situations, ici, dans "Buffet froid", il ne reste plus que les dialogues et les répliques décalées pour faire er la pilule au spectateur. Ceci explique peut-être l'absence de succès public à la sortie du film.
(DEPARDIEU) Et vous arrêtez les coupables ?
(BLIER) : Le moins possible ! ... Un coupable est beaucoup moins dangereux en liberté qu'en prison.
(DEPARDIEU) : Pourquoi ?
(BLIER) : Parce qu'en prison il contamine les innocents.
Pour ma part, une des forces de "Buffet froid", c'est l'entrée en scène d'un nouveau personnage souvent étonnante et percutante. Par exemple l'entrée en scène de Benguigui, descendu de sa montagne ou celle de Depardieu dans la scène initiale dans la gare du RER ou encore celle de Carole Bouquet dans sa traction …
Spoiler : … qui conclura le film en le renvoyant au départ. Comme s'il s'agissait enfin de l'action d'un ange de raison.
Mais, en corollaire, une des faiblesses du film sera ce qui suit l'entrée en scène où le dialogue semble bien souvent s'étioler pour ne pas dire grand-chose …