But I'm a Cheerleader est un film de 99 qui oscille entre deux genres, la grosse satire qui tache et la rom-com plus premier degré. Il va nous faire suivre l'histoire d'une bande de jeunes gens envoyés contre leur gré dans un programme de thérapie de conversion afin qu'ils cessent d'être homosexuels. Dans une approche étonnamment contemporaine pour un film ayant déjà plus d'un quart de siècle, le spectacle va avoir l'occasion de convoquer des thèmes variés pour vulgariser la question de la découverte de l'identité de genre dans une esthétique acidulée et parodique qui s'amuse du côté queer-coded de Barbie et d'autres représentations hétéronormées incontrôlées.
J'ai été très client du film pendant peut-être cinquante minutes / une heure, avant de finir par me poser pas mal de questions plutôt pessimistes.
Le film a l'avantage de ne pas se cacher derrière son petit doigt pour mentionner, parfois avec crudité, le caractère violent que peut avoir le désir sexuel surgissant et refoulé et nombre de blagues vont taper sous la ceinture, sans jamais aller jusqu'au vulgaire / beauf toutefois, pour se moquer au troisième degré des représentations très typées de l'homosexualité dans les arts des années 90. Les injures homophobes fusent chez les personnages caractérisées comme les méchants et les cibles les plus évidentes de la satire et l'ensemble donne au film un aspect charnel, incarné, qui lui permet de n'être pas du tout assimilable à une « simple » comédie typée années 2000 sur la sexualité des adolescents / jeunes adultes comme on a pu beaucoup en voir, tah l'esthétique soirée après le lycée / gobelet rouge / foot US et maisons de confréries. On est pas du tout dans le délire. On reste loin du John Waters convoqué en influence en terme de radicalité et de côté crapoteux, mais le film ne s'adresse pas du tout à un public aussi indé et il doit jouer avec ses armes. Il a une manière de mettre en scène la masturbation féminine qui est déjà assez intéressante et provocatrice pour son époque. Je ne suis pas très fan de satire et pourtant je me suis souvent marré devant le film, pas aux éclats mais de bon cœur et en empathie avec ce qui m'était montré, grâce à un comique qui e notamment par le visuel et les stéréotypes d'une manière sympa. Le détournement de l'esthétique maison de poupée (Ibsen aurait aimé) qui en devient sirupeuse à vomir et très gay en même temps une fois que l'on a ridiculement poussé les manettes à fond de ces personnages costumés en bleu et en rose donne une DA assez chouette au tout. Le vrai film Barbie, c'est lui, et il m'a l'air nettement plus osé que le Greta – je l'ai pas vu dsl et Oppenheimer non plus d'ailleurs.
Le problème, c'est que le film va peu à peu se mettre à se structurer autour d'une romance entre Natasha Lyonne et Clea DuVall qui va suivre absolument toutes les étapes d'une rom-com hétéro conventionnelle et qui vient donc brouiller par là le message de ce qu'on nous livre à travers ces épisodes attendus de confrontation initiale, rapprochement, aveu, séparation et retrouvaille finale (on se tape cette structure de merde depuis le théâtre italien, un moment faut calmer). Ce choix de structure vient rabattre la relation des deux personnages sur un couple monogame et exclusif qui, in fine, épouse parfaitement les attendus de la société néo-libérale en terme de relationnel, et on détruit par là pas mal ce que le film veut avoir de « queer », au sens original du terme, et de contestataire. Alors bien sûr, il faut voir dans le contexte de l'époque une manière de dire par là que les homosexuels ont droit à la même représentation dans le spectacle que les couples hétéros et il y a derrière cela une volonté de normalisation que l'on peut comprendre. Mais c'est contradictoire avec l'envie d'explorer le caractère alternatif du mode de vie de ces personnages.
Derrière cela, le film pose, à ses dépends, de manière intéressante la grande question politique qui agite la « communauté homosexuelle » aujourd'hui, pour peu que l'étiquette ait une utilité, et qui montre une droitisation certaine de cet électorat dans une partie de sa configuration sociale actuelle. C'est d'autant plus dommage que le film a, à travers l'un de ses personnages secondaires, une manière très actuelle pour du cinéma assez mainstream de représenter la transidentité.
Reste une comédie sympa et que je conseille plutôt, d'autant qu'elle est disponible en stream sur le site de TV ou d'Arte, je ne sais plus où je l'ai matée. Mais la comédie doit corriger les mœurs en riant, et en 2025 celle-ci ne parvient plus tant que ça à taper là où il faudrait ; en dépit de l'audace réelle qu'il y a à rire d'un sujet traité de nos jours avec une gravité plutôt lourde.