Pour ceux qui aiment lire en musique, Buckin' Barley, soundtrack du film Of Mice and men
Ça doit être le premier film de Lars Von Trier que je vois, et le cuistre à l'outrecuidance de me retourner pendant trois heures et de me laisser vidé, violé, épuisé...heureux.
Je me suis laissé prendre au piège, prendre au piège de ce décor minimaliste qui va lorgner du côté du théâtre expérimental que je déteste par pur principe, parce que j'ai des principes, et Von Trier me fait les piétiner.
Pris au piège de Dogville, pris au piège de la beauté de cette ville dans laquelle aucun mur ne sépare la maison du voisin, l'intimité du prochain, les péchés. Pris au piège de ce hangar, de cette ville tracée à la craie, sans murs ni frontières, où la honte du voisin rejaillit sur son prochain. Pris au piège d'une œuvre dont la beauté minimaliste recèle une force d'évocation rare. Pris au piège de ce narrateur cynique, de cette descente aux enfers terrifiante qu'il raconte d'une voix de conteur où l'on sent quelques accents British (John Hurt fait un très, très bon boulot) . Pris au piège de ces acteurs qui se transcendent, intelligemment mis en valeurs par cet éclairage recherché, ce décor dépouillé qui les laissent seuls face caméra. Pris au piège de la fragile beauté d'une Nicole Kidman à son meilleur, qui incarne la tentatrice devenu victime, la femme blessée fuyant le mal pour se retrouver piégée par le pire. Pris au piège de la misère humaine dépeinte, de ces vices cachés en chacun de nous et qui se révèlent dans les temps d'adversité. L'histoire m'a d'ailleurs rappelé, d'une certaine manière, les œuvres de Steinbeck, que ce soit dans l'époque et l'endroit où l'action prend place ou dans la minutieuse analyse psychologique de chaque personnage.
Pris au piège malgré moi, malgré ma répugnance de départ, car une œuvre cinématographique doit sa puissance à l'évocation tirée des images, le cinéma met en forme sans recourir à la langue, c'est sa beauté. Mais Von Trier retourne mes a priori et, par la force des mots, me pousse à voir sans décor. Il dirige ses acteurs à la perfection et on sent que le bonhomme à de l'expérience derrière une caméra. Il réalise un film bouleversant, un chef d’œuvre haletant et intense.
Je ne met jamais 10 à un film, jamais 10 à une œuvre sans avoir jugé de l'impact qu'elle peut avoir sur moi. Cet impact a été immédiat, profond, l'est et le restera.
Je me dois de te le dire, toi qui me lis, j'ai écris un brouillon pour me souvenir de mes premières impressions, juste après le film. Je ne l'ai presque pas modifié. J'ai rarement ressenti une telle force se dégager d'un film, un parti pris aussi audacieux me remuer de l'intérieur à ce point.
Von Trier peut être un brin dogmatique, un brin prétentieux, qu'importe, il est génial.