Rembobinez s'il vous plaît...
Ce que j’aime bien avec ce Hiruko, c’est que rien qu’en voyant sa jaquette je replonge dans les « années Mad » de mon enfance ; les vraies, les pures, celles des vidéo clubs, des locations de films obscurs aux jaquettes étranges et celle du temps où le cinéma fantastique et d’épouvante bénéficiait encore d’une production sinon tout à fait honnête, du moins sacrément moins cynique qu’aujourd’hui.
Et je vous parle pas de mes états d’âme quant à la disparition des club suscités, lieux magiques et exotiques dont chaque visite avait le pouvoir de remuer mon bas ventre et exciter mon regard ; et qui me manquent dorénavant comme la jeunesse impétueuse à un vieillard plein d’arthryte.
Tsukamoto devient franchement de plus en plus intéressant à mesure que je parcoure sa filmo, même de façon aléatoire. Je découvre un réalisateur plutôt éclectique, capable de démonstrations de furies cyberpunk hardcore (Tetsuo) comme de romantisme noir posé à l’esthétique rigoureuse (Vital) avec toujours la même exigence quant au fond, pour l’instant presque jamais sacrifié au détriment de la forme.
Hiruko se situe un peu ailleurs, à placer quelque part entre un gros délire puisant dans le folklore japonais de façon irrévérencieuse, gros prétexte à quelques bricolages scénaristiques, et la chronique de personnages aux traits appuyés pourtant porteurs d’une mélancolie en filigrane qui suscitent in fine une adhésion salvatrice pour le récit.
Au milieu du délire visuel, de l’hémoglobine en geyser et autres mouvements de caméra frénétiques figure déjà la thématique du deuil chez le duo principal —fort sympathique, au demeurant— qui participe à donner à Hiruko ce petit supplément d’âme dont pas mal de productions de son genre sont malheureusement déficitaires.
Et en effet ce qui marche c’est le duo composé de Hieda (Kenji Sawada dont le potentiel comique s’est déjà vérifié sur l’excellent Katakuri-ke no kōfuku de Miike) et de Yabe : aussi loufoque, que pathétique, que touchant.
Au milieu de tout ça vous ajoutez une pichenette de Yokai et de bakemono (bestiaire pauvre, cependant), quelques gags et du stop motion, pas mal de latex et de maquillages approximatifs, mais beaucoup de charme aussi. Tsukamoto cite un peu Evil Dead ou Ghostbusters et ça fait pas de mal.
En plus j’avoue que les petites musiques au synthé typiques de l’époque m’ont fait penser à quelques BGM de City Hunter ou autres slice of life emblématiques de l’industrie de l’animation d’alors, et ça ça rajoute une petite pincée de sel à la nostalgie ambiante du genre qui réchauffe un peu, comme cet éclairage de couché de soleil avant que les choses deviennent sérieuses.
C’est pas toujours fin, c’est même parfois un peu con-con et fauché, mais Hiruko trimballe son capital sympathie lors d’une heure trente ma foi plutôt divertissante sans complexe.
Une sorte de comédie d’épouvante des bridés, quoi.