On retient souvent de La horde sauvage sa violence exacerbée. N'oublions pas le désespoir qui la traverse. Il s'agissait, alors que le western classique était mort, de retrouver des accents plus réalistes, et plus critiques envers le mythe américain. Ce faisant, un nouveau mythe se créait.
Car cette frontière sauvage, en proie à la violence la plus débridée, sans cesse repoussée par l'arrivée de la civilisation, n'est pas moins fantasmatique que la glorification de la conquête de l'ouest.
La grande réussite du film sont les personnages, tous hantés par la fin prochaine de leur mode de vie. Ces marges sont peuplées par de tristes individus : l'homme du train, le capitaliste agressif pour qui tous les moyens sont bons pour venir à bout des obstacles ; l'officier mexicain, plus soucieux de sa gloire que de son peuple, sensible à son image malgré tout ; le bandit aux yeux fous, avide de violence. Sans parler des enfants qui s'amusent comme des fous, à torturer des scorpions en les maintenant dans une fosse pleine de fourmis, horrible métaphore du reste du film.
Mais heureusement, La horde sauvage ne se réduit pas à cela! Les personnages du film sont hantés par le désespoir lié à la conscience de leur propre disparition. La vraie apocalypse du film n'est pas forcément le dantesque gunfight final, mais aussi la simple apparition d'une voiture, trahissant l'avènement d'un nouveau monde.
William Holden incarne le chef des outlaws, une légende du crime puisqu'il n'a jamais été pris, mais le respect qui lui est dû commence à s'effriter, au sein même de sa bande, à cause du fait qu'il vieillit. Nul avenir pour lui.
Ernest Borgnine, dans ce qui est sans doute son plus beau rôle, est son second, qui l'ire et voudrait être comme lui, mais qui sait bien que les temps ont changé, qu'il ne saurait en être question. Nul avenir pour lui.
Deux bandits les accompagnent, des bandits plus traditionnels, avides de sexe tarifé et de richesses. Mais même eux ont conscience, même s'ils ne se le formulent pas, qu'il n'y a pas d'avenir pour eux.
D'où ces éclats de rire homériques, ces manifestations outrancières qui masquent mal leur désespoir.
Dans la bande on compte aussi un jeune mexicain, peut-être le seul personnage qui a encore de l'espoir, un idéaliste pour qui l'argent n'est pas la fin, mais un moyen pour acquérir des armes, afin que son peuple puisse lutter contre la tyrannie des généraux mexicains. Il est sans doute le seul à, peut-être, avoir un avenir, à y croire au moins.
Et puis il y a le vieux, qui fait furieusement penser au Bolivar à venir de la série des Lonesome dove, trop vieux sans doute pour s'apercevoir que son mode de vie n'existe pas, ou peut-être qu'il s'en fout, parce que la mort, elle arrive de toute manière pour lui.
Face à eux Robert Ryan, un ancien de la bande, traqueur chevronné qui est prêt à tous les compromis pour ne pas retourner à la prison d'où il vient, mais qui préférerait être de leur côté à eux, ceux qui demeurent des hommes, qui perpétuent le mode de vie auquel il croit, mais qu'il n'espère plus possible.
Tous ces personnages perpétuent les idéaux d'un western disparu, que Peckinpah ire, mais dont il a été le fossoyeur. Il penche plus du côté du western traditionnel qu'on ne le pense généralement, et s'il en acte la disparition, c'est pour mieux la regretter.