En fait, ce film de Robert Zemeckis, c’est limite sa propre version du Re-Animator de Stuart Gordon mais avec des femmes à la place des morts-vivants et du docteur Herbert West. Sauf qu’on commence par une starlette de ciné obsédée par la beauté et la jeunesse (Meryl Streep en Madeline Ashton) qui pique son fiancé le docteur chirurgien Ernest Menville (Bruce Willis, surprenant en alcoolique notoire) à sa « meilleure » amie écrivaine Helen Sharp (Goldie Hawn).
Et on est dans un cadre plus hollywoodien (ou à Beverly Hills, je ne sais pas) et s’étendant sur plusieurs années tels la carrière d’un acteur lambda, avec ses apogées et déchéances, ses crasses entre personnalités et ses tragédies. La musique d’Alan Silvestri (aussi compositeur pour Retour Vers le Futur) et les angles de caméra renforcent également le côté oppressant et surnaturel de l’immortalité hollywoodienne. De la comédie noire, on e à de l’épouvante-horreur/fantastique.
La Mort Blanche et la Dame en Rouge
En plus, dès qu’on voit Helen boulimique fantasmer sur la mort de Madeline, on est un peu surpris que ça n’arrive pas plus tôt façon Beetlejuice de Tim Burton. Car oui, on s’attend un peu à films de fantômes en voyant l’affiche (qui d’ailleurs, échange les couleurs de robe de Madeline et Helen, comme si elles étaient eux-mêmes interchangeables au final). On est donc agréablement surpris de voir la version Zemeckis de Re-Animator ainsi que des retournements de situation.
Déjà voir Madeline sombrer dans la déprime alors qu’elle est censée avoir percé, multiplier les jeunes amants pour se sentir jeune à nouveau, et faire une crise à la moindre « ride » alors qu’elle est bien conservée à 50 ans environ (rigolote la scène où elle pleure de déprime puis crie de terreur en se voyant dans le rétroviseur), c’est assez surprenant.
De même, revoir Helen à 50 ans être maigre et jolie et sortir son bouquin à succès, ça l’est autant . Pareil pour Ernest qui a sombré dans l’alcool malgré le fait d’être marié à une starlette d’Hollywood (ça change des rôles d’homme d’action façon Die Hard).
On rajoute à ce moment-là l’élément surnaturel assez lovecraftien : le cabinet de la « chirurgienne » Lisle Von Rhuman (Isabelle Rosselini), qui ressemble à une star du peplum des années 50-60. Elle donne à Madeline une potion tirée d’un coffret égyptien censé lui redonner jeunesse et vitalité.
La potion marche et Madeline au moment où Ernest et Helen échafaudent un plan pour se débarrasser d’elle (Ernest n’arrivant pas à redonner à Madeline sa fraîcheur d’antan par la chirurgie, elle le déprécie constamment et il s’est reconverti en maquilleur pour macchabées pour les veillées funèbres, d’où son alcoolémie). Et au lieu de suivre le plan d’Helen, Ernest pète un plomb et pousse Madeline dans les escaliers suite à la dispute de trop (chute comiquement longue même par rapport au nombre de marches, d’ailleurs)
Bien que j’ai comparé le film à la sage des Re-Animator, on pourrait faire pareil avec les Retour des Morts-Vivants vu qu’on aussi la scène du médecin qui constate l’absence de pouls chez Madeline alors qu’elle paraît bien vivante. Mais le body horror chez Zemeckis sera soft en comparaison mais reste crédible malgré le côté cartoonesque par moments. L’autre surprise de ce film est également quand Madeline et Helen laissent tomber leurs rancunes respectives, faisant basculer le film vers une version plus douce et plus optimiste de Huit Clos de Jean-Claude Sartre
Dr. Menville VS Re-Animator : L’Enfer, c’est les autres
Helen essaye de tuer Madeline à son tour, mais Madeline prend un fusil appartenant à Ernest et lui tire dessus en lui faisant un grand trou dans le ventre. Mais plot twist : Helen avait aussi pris la potion de jouvence avant Madeline il y a des années. Du coup, elle est aussi immortelle. Les deux femmes se cassent la figure mais comprennent vite que ça ne sert à rien de faire ça pour gâcher leur éternité et leur seconde chance. Elles discutent et se rendent compte que leurs haines et vacheries sont dues à un malentendu au départ et elles se réconcilient. Sauf qu’elles s’aperçoivent qu’elles tombent facilement en décrépitude et dépendent de Ernest pour les faire paraître vivantes car lui seul sait les remaquiller comme il faut.
Elles veulent donc lui faire boire la potion en la cachant dans de l’alcool, mais Ernest commence à comprendre qu’il est dans une relation toxique depuis trop longtemps avec ces deux femmes et que l’Enfer, c’est les autres. Et il décide subitement d’arrêter de boire, ruinant le plan des deux vipères rabibochées. Elles veulent donc le forcer à rajeunir en l’amenant chez Lisle Von Rhuman. Mais Ernest ne veut pas vivre éternellement avec des chipies, ni voir ses autres proches tous mourir avant lui. Il se débarrasse de la potion et arrive à échapper à ses ravisseuses. L’Enfer, c’est les femmes ?
C’est aussi là que j’ai compris pourquoi on me dit que la communauté LGBTQ+ adore ce film et que j’aime aussi l’évolution des personnages de Madeline, Helen et Ernest. Déjà, la relation entre les deux premières ent de la haine à l’amour-haine ou à la chamaillerie complice avec pleins de sous-entendus lesbiens dès qu’elles décident de laisser Ernest tranquille, et décident de se soutenir mutuellement entre elles pour garder l’air jeune (un peu en dépit des circonstances) :
Tu nous imagines nous peinturlurer chacune les fesses de l’autre pour l’éternité ?
Et quand on apprend la mort de Ernest cinquante ans plus tard, alors qu’il a adopté pleins d’enfants et a été très heureux et actif depuis qu’il a quitté Madeline et Helen, ces dernières sont venues à son enterrement discrètement. Et même là, Zemeckis arrive à faire er un message sur l’éternité, la jeunesse physique ou morale et les relations toxiques, mais en faisant évoluer positivement Madeline et Helen malgré leur côté chipie :
Bien que trouvant dommage de ne jamais avoir pu trouver un maquilleur aussi bien que Ernest, elles ne critiquent pas les maquillages de chacun et ne font plus de crise en voyant leurs figures enlaidies par une peinture faciale ratée ou un visage certes toujours jeune mais usé par le temps. Et même quand elles se disputent et se cassent en mille morceaux en tombant dans les escaliers près de l’Église, au lieu de se crier dessus, elles prennent la situation plutôt bien :
Tu te souviens où on a garé la voiture ?
En bref
En fait, La Mort vous va si bien, c’est une façon pour Zemeckis de dénoncer les relations toxiques par le prisme à la fois du star system et du surnaturel avec une réflexion aussi sur la jeunesse. Il est bien aussi de voir que les personnages ne restent pas éternellement figés dans leurs mentalités malgré leur recherche de jouvence perpétuelle pour certains.
Dans un sens, Zemeckis et compagnie pensent qu’il faut profiter de la vie sans chercher à la prolonger au risque de faire souffrir les autres, et que jeunesse physique n’est pas synonyme de vigueur ni de perfection. Dans un sens, c’est surtout question de mental et de comportement vis-à-vis des autres. Le fond et la forme assez mondaines et surnaturelles aident aussi à faire er le message.
Et enfin, au fond pour Madeline et Helen : à force de trop vouloir grappiller de la vie ou de pourrir celles des autres, la Mort ne leur va pas si bien non plus.