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L'aliénée

Le synopsis et la présence au scénario de François B. m'avaient mis l'eau à la bouche. Je ressors de la séance assez déçu. Le thème d'une amitié interclasse est très intéressant mais je trouve son traitement lacunaire. Cette amitié est naissante mais reste dans l'œuf. Nous voyons une Mina en retrait, comme si elle se refusait à créer une amitié avec une personne sociologiquement opposée. Soit. Cependant, le film ne montre pas implicitement ou explicitement pourquoi Mina refuse cette amitié, quels sont les mécanismes en jeu qui mobilisent son refus. Avec la participation de François B., je m'attendais à voir une proposition de réflexion sur la difficulté voire l'impossibilité d'une amitié interclasse, un peu à l'image de son roman En guerre. Or le film exclus, je trouve, l'aspect prépondérant de la détermination de classe laissant place à des aspects plus psychologiques dont j'ai eu du mal à en définir les contours. Le fait que Mina ne s'engage jamais réellement dans cette relation rend le film assez creux puisqu'il ne confronte pas assez l'amitié avec le réel sociologique.

Le é de banlieue de Mina la poursuit et on nous laisse penser que c'est ce dernier qu'il la pousse à commettre une traitrise envers Alma. Mais à placer le focus sur son é et non sur son appartenance de classe avec tous les affects inhérents, je trouve que la réalisatrice s'est trompée. Un é envahissant n'est pas exclusif aux prolétaires. Peut-être que la bascule se fait lorsqu'elle est confrontée aux amis d'Alma et à leur mépris. Scène beaucoup trop courte. Mais comme on a peiné à voir l'investissement de Mina dans sa relation avec Alma, alors, je ne crois pas que cette scène déclenche quelque chose chez Mina. Au final, on a l'impression que Mina se refuse à construire une amitié ave Alma (on ne sait pas vraiment pourquoi) et est mue par un objectif purement utilitariste, fuir son é.

Ce é, un peu cliché, propose une intrigue qui manque de puissance. Yacine n'est pas assez présent, que ce soit dans le champ ou hors-champ. On ne ressent pas vraiment la menace qu'il peut représenter pour Mina. Ce Yacine manque de réalisme. En effet, lors du "cambriolage", ce voleur professionnel se contente que d'un tableau alors qu'il a en libre-service toute une collection de tableaux, valant tous plus que le tableau objectif selon les propos d'Alma. Cela ponctue l'incrédibilité du personnage. Finalement, ni la mise en scène (cadrage, durée des plans), ni la bande-son, ni le jeu des acteurs (hormis Isabelle Huppert) permettent de générer une réelle tension.

Hafsia Herzi peine à convaincre mais je ne sais pas si c'est son personnage qui n'est pas très bien écrit ou si c'est le jeu de l'actrice lui-même. Les seconds rôles sont fades et clichés à l'exception du mari d'Alma, tout à fait détestable. D'ailleurs, j'ai trouvé la relation entre Alma et son mari plus intéressante car plus ambigüe que celle entre Mina et Alma.

Isabelle Huppert est toujours très bien, à l'image de la scène de la révélation de la traitrise qui est très forte, ou bien, quand elle est filmée de trois quarts pendant une minute, lorsqu'elle mange une pâtisserie dans sa cuisine en regardant dans le vide, en regardant la vacuité de son existence. Quand la mise en scène sublime le jeu de l'acteur, cela donne une très belle scène, tout en subtilité.

Je n'ai donc pas été percuté par la proposition de Patricia Mazuy, que ce soit intellectuellement, esthétiquement ou émotionnellement.

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le 2 sept. 2024

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Squarks

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