Piégé
5.6
Piégé

Film de David Yarovesky (2024)

C’est un challenge de parvenir à réussir un film dans un endroit clos et unique. Tenir en haleine ou intéresser le spectateur durant au moins une heure et demie avec une intrigue qui ne change pas de décor est un objectif cinématographique complexe. Et combien de ratés pour des réussites comme « Cube » dans la science-fiction (mais qui renouvelait tout de même toujours un peu son décor par le concept même dudit cube) ou « Phone Game » et « Buried » pour le suspense? Pas beaucoup et cela reste un sous-genre rare de par la complexité de la chose. « Piégé » propose pour sa part un suspense concentré à 90% dans l’habitacle d’une voiture. Et on peut dire que le pari est plutôt réussi sur le versant du huis-clos palpitant mais que cette série B souffre tout de même de scories autres qui l’empêche d’être une totale réussite.


Pour ce qui fonctionne, on pourra évoquer l’originalité du concept et de cette prison automobile. Cette voiture ultra moderne et automatisée, piégée par un psychopathe misanthrope qui en veut à la terre entière pour la mort de sa fille par des racailles et décide de piéger le premier bandit qui tombera dans son piège vicieux, est une bonne idée. « Piégé » parvient à rendre son postulat captivant grâce à une mise en scène optimisant parfaitement les potentialités du véhicule. Et quand le film menace de faire du surplace après le premier tiers, l’intrigue a l’intelligence de nous surprendre en faisant bouger la voiture pour lorgner sur une simili « Christine » contemporaine. David Yarovesky, à qui l’on doit le surprenant « Brightburn, l’enfant du mal » (relecture horrifique ionnante de « Superman »), fait du mieux qu’il peut pour diversifier ses plans et rendre sa mise en scène moins statique que ce à quoi le concept l’obligeait. N’oublions pas un Bill Skarsgard qui porte irablement le film quasiment en solo sur ses épaules avec le talent qu’on lui connait.


Même si on sait à peu près où on se dirige au niveau d’un suspense bien négocié et parfois délicieusement vicieux, « Piégé » se pare aussi d’une réflexion sur notre société gangrénée par la violence et l’inaction de forces de l’ordre déées. On oppose quelqu’un qui en veut à la société actuelle devenu pourrie et irrespectueuse, peuplée de personnes qui se vautrent dans le banditisme, l’illégalité et la violence, contre quelqu’un qui dénonce le capitalisme, la corruption et les ultras riches. Les deux points de vue sont entendus et pertinents mais le scénario choisit de rendre le premier avis caduc en rendant le personnage d’Anthony Hopkins de plus en plus fou, grossier et excessif. On est presque devant un méchant de James Bond, ce qui le rend caricatural et annule de facto son point de vue qui e directement comme réactionnaire et faux. Dommage, car si on aime qu’un film prenne position, ici il aurait été mieux de laisser le spectateur prendre ce qu’il veut et faire son choix au sein de ce débat de société loin d’être inintéressant pour ce type de productions.


On est donc plutôt agréablement surpris et conquis par ce petit huis-clos qui ne lésine pas sur quelques pointes de violence bien senties mais qui demeure tout de même fortement invraisemblable. On accepte cependant la chose car sinon il n’y aurait pas de film et, si on entre dans le concept quelque peu improbable, la logique est tout de même là... Jusqu’à un dernier acte bien trop poussif et raté. Le film aurait dû s’arrêter dix minutes avant et ce final qui va dans la surenchère, l’émotion et le happy-end non requis aboutit à un « Piégé » qui se tire une balle dans le pied. Au final, voilà une petite série B hargneuse, peu commune et distrayante dont le côté lieu unique est parfaitement optimisé mais qui pêche dans sa morale trop indiquée et une fin excessive.


Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma ion.

6
Écrit par

Créée

il y a 3 jours

Critique lue 6 fois

Rémy Fiers

Écrit par

Critique lue 6 fois

D'autres avis sur Piégé

Locked

Film de David Yarovesky sorti en 2025. Je ne connais rien du réalisateur ni du film argentin dont, semble-t-il, d'après Wikipedia, "Piégé" serait le remake.Le scénario peut se résumer de la façon...

Par

le 13 avr. 2025

6 j'aime

3

"Piégé" : Pas un chef-d'œuvre, mais un solide huis clos pour insomniaques ...

🔴Pour le lecteur pressé, en moins de 2 minutes : https://youtu.be/LjxdHwot2sw👉 Et s'abonner à cette chaîne Youtube où je publie régulièrement ces articles, pour n'en rater aucun ! ?🔴Comment se...

le 10 avr. 2025

6 j'aime

2

Interphone game

"Bill Skarsgård face à Anthony Hopkins dans un duel psychologique en huis clos et sous l’égide d’un high concept propre à la série B, voilà un programme alléchant et sans détour. Malheureusement,...

le 9 avr. 2025

6 j'aime

3

Du même critique

Tartare d'auteur.

Si ce n’est une Cate Blanchett au-delà de toute critique et encore une fois impressionnante et monstrueuse de talent - en somme parfaite - c’est peu dire que ce film très attendu et prétendant à de...

le 27 oct. 2022

99 j'aime

12

Formellement irréprochable, une suite confuse qui nous perd à force de sous-intrigues inachevées.

Le premier épisode était une franchement bonne surprise qui étendait l’univers du sorcier à lunettes avec intelligence et de manière plutôt jubilatoire. Une espèce de grand huit plein de nouveautés,...

le 15 nov. 2018

93 j'aime

10

Chazelle se loupe avec cette évocation froide et ennuyeuse d'où ne surnage aucune émotion.

On se sent toujours un peu bête lorsqu’on fait partie des seuls à ne pas avoir aimé un film jugé à la quasi unanimité excellent voire proche du chef-d’œuvre, et cela par les critiques comme par une...

le 18 oct. 2018

83 j'aime

11