Predators
4.7
Predators

Film de Nimród Antal (2010)

« Now, let's find a way off this fucking planet. » ROYCE

En 1994, Robert Rodriguez, alors en pleine ascension, est approché par la 20th Century FOX pour écrire un troisième opus de la saga Predator. Le studio cherche à renouveler la franchise, à lui insuffler une nouvelle direction après le relatif échec critique du second film. Grand fan de la créature extra-terrestre et de l’univers brutal et mystérieux qu’elle incarne, Rodriguez accepte avec enthousiasme. Il livre un scénario ambitieux, imaginatif, qui pousse les limites du mythe Predator. Cependant, le projet est jugé trop coûteux et trop complexe par les dirigeants de la FOX, qui décident de l’écarter.

En 2009, soit quinze ans plus tard, la 20th Century FOX revient vers Robert Rodriguez. Cette fois, le contexte est différent : le studio souhaite relancer la franchise avec un regard neuf, mais en s’appuyant sur un nom reconnu. Ils confient donc à Rodriguez la production et la réalisation du film, avec pour mission de revisiter son ancien scénario. Accompagné des scénaristes Alex Litvak et Michael Finch, il adapte le script d’origine pour en faire une version plus réalisable, tout en conservant ses idées centrales. Rodriguez, toutefois, décline la réalisation. Il préfère se concentrer sur la production et cherche donc un réalisateur capable de donner vie à sa vision tout en gérant les contraintes du tournage.

Nimród Antal, un cinéaste d’origine hongroise, est choisi par Robert Rodriguez. Ce dernier est impressionné par la capacité d’Antal à créer une tension palpable et une atmosphère forte, même avec des moyens limités. Il voit en lui un réalisateur capable de diriger efficacement une équipe, de gérer la pression d’un tournage d’action, tout en apportant une vraie signature visuelle. Selon Rodriguez, c’est exactement le genre de personne que l’on cherche en tant que producteur : un professionnel autonome, créatif, et digne de confiance, capable de prendre en main chaque aspect du projet sans qu’il soit nécessaire de superviser constamment.

En 2010, Predators sort au cinéma en rendant hommage au Predator original, mais en tentant tout de même une modernisation du mythe.

Contrairement aux précédents volets, l’action ne se déroule pas sur Terre. Pourtant, le décor choisi : une jungle dense, humide, et étouffante, rappelle immédiatement celle du premier film. Ce choix de mise en scène n’est pas anodin : il sert à établir un parallèle visuel et atmosphérique avec le film original, tout en plongeant le spectateur dans un environnement à la fois familier et inconnu. Ce cadre hostile, presque organique, renforce l’impression d’isolement et d’insécurité, comme si la planète elle-même participait à la chasse.

Adrien Brody dans le rôle principal peut surprendre au premier abord. L’acteur, connu pour ses rôles plus cérébraux et sensibles, semble à mille lieues des standards physiques du héros d’action musclé typique des années 80. Et pourtant, cette prise de risque s’avère payante. Brody s’est physiquement transformé pour le rôle, gagnant en masse musculaire sans perdre sa capacité à transmettre une certaine intensité intérieure. Son interprétation de Royce, un mercenaire endurci, est crédible et nuancée. Il incarne un personnage à la fois brutal, stratège, et marqué par une forme de détachement presque nihiliste, ce qui en fait un protagoniste intéressant et plus complexe qu’il n’y paraît.

Alice Braga, Louis Ozawa Changchien, Oleg Taktarov, Mahershala Ali, Danny Trejo, Topher Grace et le génial Walton Goggins incarnent des individus qui sont eux-mêmes des prédateurs sur Terre. Ce concept, souligné à plusieurs reprises dans le film, offre une réflexion intéressante sur la nature humaine : les chasseurs deviennent les chassés, et leur propre violence se retourne contre eux. Ce parallèle entre l’homme et le Yautja (le nom de la race des Predators) donne au récit une portée plus symbolique qu’on ne pourrait l’attendre d’un film d’action.

Les Predators de ce film sont particulièrement bien conçus. Ils ne sont plus de simples copies du modèle original, mais des variations distinctes, chacune dotée de ses propres compétences et équipements. On découvre un pisteur, un fauconnier, un berserker, autant d’archétypes qui enrichissent le bestiaire et développent le lore de la franchise. Ce soin apporté à la différenciation visuelle et fonctionnelle des Predators permet de mieux comprendre leur société, leurs rituels de chasse, et leurs conflits internes. L’un des éléments les plus fascinants reste la rivalité entre deux castes de Predators, dont l’un finit par s’allier brièvement avec Royce. Ce détail, loin d’être anecdotique, suggère une complexité culturelle insoupçonnée chez les Yautjas et élargit considérablement les possibilités narratives pour la suite.

Les scènes d’affrontement sont nerveuses et bien rythmées. Même si le spectateur devine rapidement que plusieurs personnages sont là pour être éliminés un à un, la tension reste palpable tout au long du film. Chaque confrontation est pensée comme une séquence de survie, et non une simple démonstration de force. La mise en scène valorise la traque, l’attente, la peur, tout ce qui fait d’une chasse un spectacle haletant. Cette approche rappelle l’ADN du premier film, tout en lui apportant une dimension plus stratégique, plus collective aussi, car le groupe doit apprendre à survivre ensemble malgré leurs différences.

Laurence Fishburne, dans le rôle d’un survivant ayant sombré dans la folie après des années d’isolement, semble cependant presque appartenir à un autre film. Son apparition, censée créer un basculement dans le récit, détonne par son ton étrange et sa durée limitée. De même, le personnage incarné par Topher Grace, dont la révélation finale vise à surprendre, paraît un peu trop forcé, presque artificiel. Ces deux personnages n'entament toutefois pas le plaisir général du film, tant la richesse visuelle et l’ambition de l’univers parviennent à maintenir l'intérêt du spectateur.

Predators réussit son pari : celui de relancer une franchise culte sans trahir son héritage. En s’appuyant sur les fondations du film original tout en proposant un nouvel angle, Robert Rodriguez et Nimród Antal livrent un film à la fois respectueux et audacieux. Certes, tout n’est pas parfait, certains personnages secondaires sont mal exploités, et le rythme connaît quelques creux, mais l’ensemble offre un divertissement solide, enrichi par un univers plus vaste et plus intrigant qu’auparavant. Pour les fans de la saga comme pour les amateurs de science-fiction musclée, Predators est une chasse qui mérite d’être vécue.

7
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il y a 3 jours

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Steven Benard

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