(Spoilers)
Sandra est un film d'horreur, mais rien à voir avec les monstres ou le giallo. Dans un palais très sombre et délabré peuplé de quelques âmes solitaires, des secrets s'échangent, des billets apparaissent dans d'anciennes cachettes, et un mari sent la tension qui s'installe dans son couple : une force étrange est à l'œuvre. À mesure que l'histoire avance, on se rendra compte qu'il y a bien un monstre après tout : l'inceste, dissimulé dans les cœurs comme une bête dans la pénombre, dont on croit qu'il a disparu à force qu'on le drape de non-dits. Mais il ressurgira, laissant derrière lui une traînée de sang invisible : celui qui s'écoule de souvenirs poisseux et d'adolescences troubles.
La manière dont le drame familial est ainsi transformé en abomination, jusqu'à faire correspondre l'œuvre aux critères de l'horreur, est magnifique. La photographie pessimiste et le visage hanté de Claudia Cardinale en font l'hybride parfait... ou presque. Il y a un goût d'expérimentation quand même, une impression d'illégitime derrière ces styles d'écriture et de mise en image déformés. Sandra semble payer le prix de sa réussite par sa position de faux film d'horreur, et c'est à travers ce prisme qu'on le voit en partie : ce qui était bizarrement convaincant prend un tour dérangeant. Bien qu'il se rattache bien davantage à la mythologie grecque, il laisse avec le sentiment qu'on a vraiment vu un giallo : les complexes débridés, l'érotisme malsain, l'horreur sans fard qui sert d'exutoire aux frustrations en sont des symptômes qu'il exsude étrangement.
Sandra est un hybride, oui, mais pas de la manière la plus attendue. Bonne chose ou non ? Je laisserai le loisir de trancher à qui ne déteste pas le giallo.