Juste avant la Teenage Apocalypse Trilogy, Gregg Araki abordait déjà une génération perdue naviguant entre sexualité débridée, fantasmes, sida mais surtout rejet complet de la société. Une "fin du monde" qu'Araki adore traiter et mettre en scène et ça tombe très bien car il le fait à merveille !
On retrouve en effet complètement son style, enfin surtout celui qui amorce la trilogie précédemment citée. C'est-à-dire un cinéma queer, plus précisément "New Queer" dans lequel on retrouve cette imagerie underground avec des plans volontairement "fait à l'arrache" en caméra à l'épaule, une intrigue, là aussi volontairement, décousue un peu Nouvelle Vague (mais sans prétention), et puis surtout cette ambiance un peu crasse propre à ce sous-genre dans les années 90, rappelant divers travaux de John Waters dans les années 70 ou encore de Bruce LaBruce (notamment "Hustler White" qui avait les mêmes caractéristiques).
Même avec son image d'enfant terrible, le but n'est pas spécialement de choquer puisque le film s'adresse de toute façon à un public presque essentiellement queer, enfin du moins à l'époque, mais plutôt de raconter ce que serait l’idylle de deux jeunes hommes atteints du sida.
Car oui, nous suivons ici un jeune critique de cinéma ayant appris dans la journée qu'il était atteint du sida qui rencontre un fugitif venant de tuer des homophobes sur un parking. Ensemble, ils sillonnent la Californie sans but précis sinon de ne pas se laisser terrasser par la maladie. Deux marginaux donc qui doivent faire face à la violence dans un monde qui semble complètement s'écrouler ; posant d'ailleurs la question de qui sont finalement les marginaux dans cette société.
Alors même s'il y a des problèmes de rythme, je trouve qu'on ne s'ennuie pas et puis surtout, les personnages sont très bien écrits ! Ils portent en effet le film à eux deux, quoique les problématiques de l'amie de Darcy, bien qu'en retrait, a également son importance puisqu'elle est le seul personnage auxquels peuvent s'identifier les proches de personnes atteintes du sida.
Bref, encore une fois Gregg Araki nous livre une œuvre tout aussi délirante que provocante avec tout de même une réalité bien sinistre et redoutable en toile de fond.