L'Anatolie.
Région rude, brutale, sauvage.
Région minérale, où les maisons peinent à se dégager des rochers.
Où les habitants ont gardé cet esprit brut.
Les plans extérieurs sont aussi rares que magnifiques. A l'inverse de son précédent et splendide film, ici, tout se e en intérieur. Cependant, il est essentiel de voir ces rares plans d'ensemble, qui donnent une image importante du cadre de "l'action". Et les hommes appartiennent à ce cadre.
Un cadre qui enferme les hommes chez eux. Qui les fige dans leur vie. Tous ceux qui cherchent un avenir ont fui, vers Istanbul, vers Londres, etc.
Ne restent là que ceux qui n'attendent rien.
Aydin, c'est un peu le Seigneur local.
Grand propriétaire local, tout semble lui appartenir. L'hôtel local, certes, judicieusement baptisé Hôtel Othello. Mais aussi le village du coin. On lui paie des loyers, on lui envoie des lettres de doléances.
Aydin vit dans l'hôtel avec sa sœur Necla et sa femme, la jeune et magnifique Nihal. Le film va essentiellement se joeur entre eux trois. Quelques personnages secondaires feront leur apparition, mais l'essentiel est là. Dans ce triangle d'anamour.
Winter Sleep est construit comme une succession de dialogues, généralement entre deux personnages. Des dialogues où, progressivement, on va approfondir, par étapes, la psychologie des personnages. Le procédé est très bergmanien, mais en plus apaisé.
Et alors que la région va s'enfoncer dans le rude hiver, les habitants de l'hôtel vont montrer l'hiver du cœur. Les rancœurs vont se mettre à jour. Lentement, sans éclat. En des scènes d'intérieur éclairées à la bougie, en une couleur orangée qui incite à l'intimité, les sentiments se dévoilent. On apprend qu'Aydin est un ancien acteur raté dans lequel on avait mis un certain espoir. On apprend que son couple vit uniquement sur les respect des apparences, qu'il y a des années maintenant que lui et Nihal ne partagent plus rien.
On y découvre les jalousies familiales mais aussi les jalousies de classe, cette haine des locataires envers celui qui est riche et puissant. Cette haine qui anime Ismaïl.
Aydin, lui, est rempli de mépris envers les villageois. Un mépris d'intellectuel qui se sent supérieur.
Aucun personnage n'est vraiment épargné par ce déballage, mais, et c'est là une des grandes forces du film, aucun personnage n'est haïssable. Le cinéaste évite toute facilité, toute caricature. Dans Winter Sleep, il n'y a ni gentil ni méchant. Que des personnages complexes, fascinants de par cette complexité même.
L'esthétisme est, certes, plus discret que dans Il était une fois en Anatolie, mais il est pourtant bien là. Il est évident dans les scènes d'extérieur, mais les longues scènes d'intérieur montrent aussi ce sens du cadrage, de la lumière. Les acteurs sont excellents, la construction du film impeccable.
Décidément, ce cinéaste est un de mes préférés actuellement.
Décidément, j'aimerais mieux connaître le cinéma turc, convaincu qu'il me réserve encore bien des surprises.