Un des films les plus attendus du festival de Cannes 2025 a été The History of Sound, adapté de la nouvelle qui entame et donne le ton à ce mélancolique recueil de douze histoires entrelacées se déroulant en Nouvelle-Angleterre entre le XVIIe siècle et nos jours.
S’inspirant de la structure poétique et musicale du « hook-and-chain », en vogue il y a trois siècles dans cette partie de l’Amérique qu’il connaît bien, Ben Shattuck use de ses nouvelles comme de couplets mariés deux à deux, la première donnant sa tonalité à l’ensemble et la dernière fermant la boucle en lui répondant par-delà le temps, le tout sur la petite musique de la désillusion et de la perte.
Ainsi, le premier amour tragique d’un jeune chanteur synesthète pour un collectionneur de chansons traditionnelles au début du XXe siècle se retrouve lié, bien des années plus tard et par le biais des cylindres de gramophone qu’ils ont enregistrés, au désenchantement d’une femme ayant pour sa part vécu dans le chagrin pour avoir justement épousé son premier amour. Entre ces deux échos mélancoliques ouvrant et fermant le recueil, le son des peines et des joies ricoche d’une histoire à l’autre, dans un incessant va-et-vient dans le temps et entre différents lieux du nord-est des Etats-Unis.
Et chacune, comme les airs captés et conservés par les premiers personnages du livre, d’apporter sa ligne musicale à la polyphonie de la vie et des émotions, chaque fois une trajectoire irrémédiablement solitaire et éphémère ne laissant comme traces que les quelques objets qui lui survivent – enregistrements musicaux, tableau, vieilles photographies… –, mais traçant toutes ensemble la mémoire fantôme des âmes et des sentiments évanouis. Un peu comme si le livre captait la vibration des ondes laissées par toutes ces vies écoulées et nous la restituait en ses pages comme d’autres empêchent les vieilles chansons oubliées de mourir en les enregistrant.
Un livre à la construction subtilement ouvragée pour peindre, non sans mélancolie, la diversité et la fugacité de nos existences et de nos ressentis pourtant si pressants sur le moment, et s’en faire la chambre d’écho comme s’il s’agissait d’une musique, aux formes et aux couleurs de la vie. Splendide.
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