Adolescence
7.5
Adolescence

Série Netflix (2025)

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Préambule

Jamie est un adolescent comme il y en a tant. Il est certes issu d’une famille populaire mais rien ne laissait présager qu’un matin, les forces de police fassent irruption chez lui, le sortent du lit et l’emmènent de force au commissariat, le tout devant des parents pour le moins choqués et incrédules. Il faut dire que les moyens déployés pour procéder à l’arrestation d’un enfant à priori inoffensif et tétanisé par la peur a de quoi surprendre. Pourtant, il va s’avérer que ce dont il est accusé n’a rien d’anodin : cette petite bouille angélique est suspectée d’avoir assassiné une élève de son collège à l’arme blanche.


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Si le premier épisode fait office de coup de poing, c’est qu’il nous plonge de manière ultra-réaliste dans le chaos de cette arrestation musclée et de ses conséquences directes : mise en examen, attribution d’un avocat commis d’office, interrogatoire... Le plan-séquence qui compose ce chapitre procure un sentiment de suffocation, voire de sidération face à cette brutale descente aux enfers. A l’instar des parents de Jamie, on reste médusés devant cette mise en branle policière et judiciaire qui terrifie cet enfant dont on ne sait pas ce qui lui est exactement reproché mais dont on espère farouchement l’innocence. Jusqu’à ce que la vérité nous éclate au visage ainsi qu’à celui d’un père accablé par le chagrin et l’incompréhension. Car s’il est un défaut à cette série, c’est de trop longtemps laisser croire qu’elle pourrait s’apparenter au genre policier. Or, non ! Ce n’est pas sous angle qu’il faut aborder « Adolescence ». Les faits sont là, accablants, et aucun autre suspect ne sera jamais en mesure de sortir d’un quelconque chapeau.


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Le second épisode nous montre l’enquête menée par les deux policiers en charge de l’affaire au sein de l’établissement scolaire de Jamie. Moins endiablé du point de vue du rythme, il s’emploie à nous dépeindre un milieu éducatif totalement déé par une jeunesse explosive qu’il ne parvient plus à contenir. La violence semble irradier de toute part, incontrôlable, jusque dans les téléphones portables de ces enfants qui usent de messages codés pour s’humilier mutuellement au nez et à la barbe des adultes. Si cet environnement n’apporte pas directement de mobile au geste irraisonné de Jamie, il témoigne efficacement du terreau qui l’y a conduit.


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S’ensuit alors la pièce maîtresse de cette courte mini-série : durant près d’une heure, la psychologue de Jamie va chercher à comprendre le rapport que le jeune garçon entretient avec ses parents et avec les filles de son âge. Après plusieurs semaines de détention, on découvre un Jamie à fleur de peau, s’accrochant désespérément à une version des faits où il ne cesse de clamer son innocence. On assiste alors alors à un huis-clos étouffant où émerge la fragilité et l’agressivité d’un enfant tour à tour émouvant et effrayant. Une joute verbale brillante et fine qui révèle la psyché tortueuse d’un gamin tantôt prêt à se livrer, tantôt persuadé qu’on cherche à le piéger. Malgré la défiance et l’agressivité dont il fait preuve envers son interlocutrice, le besoin vital de savoir qu’il peut être aimé malgré son geste est absolument déchirant. Porté par un incroyable Owen Cooper et une Erin Doherty dont on ne rappellera jamais assez qu’elle est une immense comédienne, ce superbe plan-séquence brille par la fluidité sidérante de ses mouvements de caméra, tout entiers dévoués aux multiples émotions qui parcourent les deux acteurs dans cet intense moment de cinéma.


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Le dernier chapitre reste en revanche longtemps problématique tant sa première partie s’avère bizarrement hors de propos. Centré cette fois-ci sur les parents de Jamie, il ne dit rien ou presque des états d’âme que la détention de leur fils leur fait vivre. On perçoit la fragilité émotionnelle dans laquelle ils se trouvent mais c’est tout de même très peu. Pour la première fois, l’usage du plan-séquence ne semble pas opportun car sur une heure de vie, tout n’est pas toujours digne d’intérêt. Il faut alors attendre que père et mère se retrouvent seuls et désemparés pour qu’enfin, leur échange prenne de l’envergure. Qu’ont-ils fait de mal dans l’éducation qu’ils ont offert à leur enfant ? Leur culpabilité teintée d’incompréhension est réellement touchante et beaucoup de parents se retrouveront dans la description réaliste de ce qu’est un adolescent de nos jours. Est-ce à dire qu’aucune famille n’est à l’abri du drame qu’ils essaient de surmonter ? Sans doute. Car que sait-on exactement de ce qui se joue dans les cours de récréation ou même quand ils sont devant leur écran ? Beaucoup de zones d’ombres auxquelles il est bien difficile d’avoir accès. Cet épisode est en ce sens un appel à la vigilance plutôt bienfaiteur.


Bilan

« Adolescence » n’est pas une série parfaite. D’une part, elle aurait dû s’abstenir de dresser l’illusion de l’innocence. Ce faisant, elle biaise l’axe de lecture qu’elle cherche par ailleurs à illustrer. En outre, si l’idée des plans séquences dont elle agrémente chacun de ses épisodes s’avère la plupart du temps pertinente, celui du dernier épisode était de toute évidence dispensable. Toutefois, notons qu’ils sont tout de même superbement réalisés et ne virent jamais à l’exercice de style. Au contraire, ils servent bien souvent leur propos tout en accentuant leur impact émotionnel. Mais le véritable tour de force a lieu lors d’un troisième volet d’une intensité qu’on n’est pas prêt d’oublier. Quant au contenu, il nous alerte sur les dérives d’un monde adolescent dont les adultes sont bien souvent tenus à l’écart. A ces derniers de tenter de renouer le dialogue avec une génération dont ils n’ont d’évidence plus les codes.

9
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le 30 avr. 2025

Critique lue 4 fois

vosarno

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