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Un polar psychologique surprenant

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Un mystérieux livre

Catherine Ravenscroft est une journaliste reconnue pour son travail exigeant d’investigation. Elle est perçue comme une femme éprise de justice et redoutée des puissants dont elle s’emploie à dénoncer les malversations. Sans connaître la gloire médiatique de son épouse, Robert, son mari, occupe lui aussi une fonction importante dans son entreprise ce qui leur permet de mener un train de vie pour le moins enviable. Nicholas, leur fils unique a depuis peu quitté le foyer sous l’injonction de Catherine, soucieuse de voir son enfant enfin tenter de voler de ses propres ailes. Fragile psychologiquement et ne sachant quoi faire de son existence, ce dernier voue une inimitié envers sa mère dont elle ne parvient pas à saisir la cause. Cela l’affecte forcément mais en ce jour de célébration professionnelle, son attention est tournée vers un livre qu’elle reçoit curieusement par voie postale et qui lui est directement adressé. A sa lecture qui lui procure des hauts-le-cœur, elle comprend que son auteur cherche à lui nuire. A ce récit dont on ne connaît tout d’abord pas la teneur, est associé le nom d’un certain Stephen Brigstocke dont on sait qu’il est un homme brisé depuis la mort de sa femme et surtout de son fils Jonathan. Lors de vacances en Italie il y a de cela une vingtaine d’années, ce dernier avait pris quelques photographies que Stephen regarde encore avec déchirement. Outre quelques selfies joyeux, ce sont surtout les clichés de cette femme jeune et belle posant lascivement devant l’objectif qui soulèvent encore maintenant en lui une colère froide et désespérée. Ayant par hasard trouvé un manuscrit dans le tiroir du bureau de sa défunte épouse, il avait décidé de le faire publier à son nom et d’en envoyer le premier exemplaire à Catherine.

Que le duel commence !

Le récit va alors se structurer en trois parties distinctes. D’un côté, Stephen et Catherine vont à tout de rôle raconter de manière assez classique le déroulé des événements et les pensées qui les animent au travers de voix off plutôt bien écrites et qu’il convient de différencier. Stephen narre la délectation qui est la sienne de voir son « ennemie » perdre progressivement pied à la première personne du singulier. A l’inverse, Catherine, montrée comme relativement froide et antipathique grâce à l’interprétation convaincante de Cate Blanchett, évoque sa descente aux enfers et les affres qu’elle traverse en parlant d’elle à la deuxième personne. D’un côté, il y a un homme totalement submergé par son désir obsessionnel de vengeance. De l’autre, une femme qui s’adresse à elle-même, signe d’une distance évidente entre celle qu’elle était aux moments des faits et ce qu’elle est in fine devenue. C’est subtil mais stylistiquement intelligent et cela décrit bien la personnalité de ces deux personnages. Un a trouvé une raison de vivre dans le bonheur de la destruction, l’autre essaie de garder la tête froide malgré les événements contraires. Le spectateur, lui, se laisse globalement prendre par cette intrigue assez basique qui semble nous promettre la condamnation d’une femme que ni sa condition sociale, ni ses combats pour un monde plus juste ne pourront prémunir. Que les bassesses de ceux qui se parent du masque de la vertu éclatent au grand jour pour qu’enfin apparaisse à nos yeux la nature de leur vrai visage.

Il y avait possibilité de faire mieux

La partie la plus problématique réside dans la retranscription du lien entretenu par Catherine et Jonathan en Italie. En l’absence de son mari, la jeune femme nous apparaît comme aguicheuse et sans scrupule, offrant ses charmes à un adolescent totalement sous emprise et incapable de résister à l’appel d’une sensualité aussi débridée. Cela aboutit à des séquences d’un érotisme douteux qui auraient presque eu leur place dans les anciens programmes du dimanche soir de M6. Difficile, devant ces scènes à la photographie sépia désespérément clichée, de ne pas ressentir de l’embarras voire de l’exaspération. Toutefois, avant de s’enfuir en courant, sachez que ce mauvais goût trouvera son explication lors du dénouement de la série. Ouf ! Tout ceci était calculé et volontaire. Pour autant, on aurait préféré que, tout en en conservant l’esprit, Alfonso Cuarón fasse preuve de plus d’inventivité stylistique dans sa manière de représenter l’idylle des deux amants, car même à posteriori, il apparaît que ces scènes maladroitement racoleuses nous auront fait er quelques désagréables moments de cinéma.

Un final largement convaincant

Certaines œuvres cinématographiques, notamment les thrillers, tiennent à ne pas dévoiler trop rapidement leurs secrets. Sur ce point, non seulement « Disclaimer » finit par nous surprendre mais elle nous procure le sentiment agréable de s’être fait avoir. Car au fur et à mesure que le récit développe sa trame, un sentiment diffus commence à poindre, remettant en cause les certitudes qui étaient jusque-là les nôtres. Jusqu’à une confrontation finale de toute beauté qui vient remettre en perspective tout ce qui nous avait été jusque-là conté. Elle permet une relecture cohérente des parti-pris narratifs de la série, à commencer par la relation tendue que Catherine entretient avec son fils, un pan de cette histoire jugé superflu jusqu’à cet épilogue qui en cible l’origine. Elle montre également que l’art est un miroir déformant, une vision fantasmée d’une réalité avec laquelle il est possible de jouer à loisir. Cela peut être nécessaire (mais dangereux) pour réfuter la dureté de l’existence. Mais quand il s’agit de berner le spectateur, on ne peut que s’en réjouir.

Spoiler 1

Évidemment, Catherine ressent de la culpabilité suite aux tragiques événements italiens. Elle se sent coupable comme se sentent coupables celles et ceux qui ont eu à subir des agressions sexuelles. Mais contrairement à « True Detective : Night Country » où les assassins sont absous par les forces policières, Catherine endosse la responsabilité de la mort d’un homme et cela la ronge car en choisissant délibérément de signaler aux sauveteurs la présence dans l’eau de Jonathan, elle s’est rendue coupable de non assistance à personne en danger. On comprend le dilemme affreux dans lequel elle se trouve à ce moment précis : son bourreau a sauvé son enfant. Libre à chacun de déterminer le poids de la faute qu’elle se doit désormais de porter.


Spoiler 2

Au final, Catherine quittera son mari coupable selon elle d’être soulagé de savoir qu’elle a été violée plutôt qu'adultérine. Cette accusation a sa pertinence. Certes, il se montre empathique mais comment aurait-il réagi s’il avait appris qu’elle avait subie des violences lors d’une relation consentie ? Toutefois, on peut également estimer qu’elle fait preuve de peu d’indulgence envers une réaction somme toute (et malheureusement) assez naturelle. Peut-être aurait-il été bon de lui laisser le temps de mettre en perspective ce qu’elle a enduré en lieu et place de ses peurs narcissiques primales ?

8
Écrit par

Créée

le 1 mai 2025

Critique lue 3 fois

vosarno

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