Un groupe en perdition

Tout ce qu’a produit Led Zep de 1969 à 1975 (jusqu’à « Physical graffiti ») était digne d’éloges et a marqué l’histoire du rock d’une empreinte indélébile. Mais à partir de là, force est de reconnaître que le Dirigeable commence à se dégonfler. Robert Plant a perçu son fils en 1977, ce qui explique ses « absences » et son désintérêt relatif pour le groupe et puis il faut ajouter les abus des musiciens qui sont de plus en plus lourds à gérer (en particulier Bonham mais il n’est pas le seul, Page est aussi dans un très sale état). La créativité du groupe s’en ressent donc obligatoirement. On a encore en tête « Stairway to Heaven », « Kashmir », « Black Dog » ou encore « Whole lotta love », quelques-uns des chefs d’œuvre pas si anciens alors qu’ils avaient signé, on peut donc être déçus quand on écoute cet album. « Presence » en 1976 avait déjà montré un sacré coup de mou et la vague punk et son rejet total de ceux qui étaient alors vus comme des « dinosaures du rock » (Pink Floyd, Stones, Genesis…) n’arrange rien à la situation car Led Zep est bien entendu inclus dans cette liste de groupes à conchier. Les médias d’ailleurs ne s’en privent, surfant sur la vague à la mode. Lors de la tournée 77, on voit un groupe en perte de vitesse, bagarres, rumeurs sulfureuses autour de Richard Cole, leur tour manager, accident de la route pour Bonham, sont autant de coups durs que reçoit le groupe sans savoir que le pire viendra lorsque Maureen Plant appellera pour annoncer la mort prématurée et fulgurante du cadet des Plant, Karac. Voilà le décor pour cet album testament où le groupe essaie et fait ce qu’il peut pour sauver ce qui peut encore l’être (sans illusion sur le futur ?), un groupe qui ne sait pas vraiment où il va.

Dans ces conditions, c’est John Paul Jones qui prend les rênes, le moins amoché dans le groupe, sans avoir le talent de Page et de ses riffs en acier inoxydable. Un travailleur de l’ombre, très doué, mais qui ne peut pas prendre les commandes d’un groupe comme celui-ci en claquant des doigts. Page est aux abonnés absents, bourré de drogues que Cole lui fournit et ses soli sont bien moins inspirés que par le é, il semble un peu en pilote automatique. Tout ça commençait pourtant bien avec « In the Evening », bien punchy. Dans la série des blues, "I’m Gonna Crawl" est un très bon titre, dominé par les claviers. Le poignant "All My Love", hommage de Plant à son fils, est une sorte de prière funèbre et triste. Le reste est bien décousu avec un « Fool in the rain » aux airs de samba (si, si, ils en sont là !), « Hot Dog » qui s’apparente à un country vaguement rockabilly (jusque dans le solo de Page) ou encore « Carouselambra », qui commence sur un rythme funky pas désagréable mais qui ne sait où aller et se prolonge de façon répétitive pendant 10 minutes alors que l’attention de l’auditeur a déjà capitulé…Parfaitement lucide sur la situation et sur cette œuvre, Plant déclarera à propos du contenu musical : « Ce n’est pas nous, c’était bien à ce moment-là, mais ce n’est pas nous, et ce n’est pas une direction que j’aurais voulu prendre dans le futur. ». Reste quand même la jolie pochette signée par le studio Hipgnosis, ça, c’est toujours bon à prendre.

Il restera au groupe à sortir « Coda » mais ce sera un album posthume, fourre-tout, alors que le groupe n’existe plus et s’est séparé à la fin de la tournée européenne de 1980 durant laquelle ils ont fait ce qu’ils pouvaient sans trop y croire. Lors du 8e concert à Nuremberg, Bonham s’effondre sur scène. Le concert est annulé et le groupe prétend alors que son malaise est dû au fait qu’il a trop mangé… Mais les rumeurs circulent concernant sa consommation d’alcool et le fait qu’il avait l’air vraiment saoul sur scène. Un dernier concert a lieu à Berlin où Plant fait ses adieux au public. Ils se préparaient pour une tournée nord-américaine lorsque Bonham est mort le 24 septembre 80, des suites d’une nuit alcoolisée à l’extrême.

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le 2 mars 2025

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JOE-ROBERTS

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