C'est un singulier mélange que ce Utu, film sur le colonialisme anglais en Nouvelle-Zélande. Naviguant entre le cinéma bis (la tête coupée du prêtre, le double fusil à recharge rapide), et le cinéma d'auteur, avec des plans qui évoquent parfois le formalisme d'un Wojciech Has, le mélange entre violence et humour, avec un propos toujours intelligent, Utu est difficile à définir, mais possède indéniablement beaucoup à offrir.
Les deux personnages principaux sont Te Wheke, un maori rallié à la cause anglaise, qui va se rebeller lorsqu'il découvrira sa famille massacrée par des soldats. De l'autre côté on retrouvera le lieutenant Scott, jeune soldat anglais idéaliste, né en Nouvelle-Zélande, méprisé par son chef plein de morgue et de suffisance.
On s'imagine dès lors que le film s'aventurera dans les territoires balisés de la fiction anti-colonialiste. Las, le propos ne cesse de s'étoffer. Ainsi du personnage de Williamson, le personnage joué par Bruno Lawrence qui, à rebours du colon sûr de sa supériorité, a pris la peine d'apprendre à parler maori et aime réellement ce pays, et ses habitants. Ainsi du personnage de Wiremu, dont la servilité envers l'anglais ne cesse d'évoluer, alors qu'on voit de plus en plus qu'il poursuit son propre objectif, et que sa vision est bien plus réaliste que celle de Te Wheke.
On ajoutera une utilisation amusante de Shakespeare, lancée par la lecture de Hamlet par Te Wheke, et bien sûr les somptueux paysages néo-zélandais qui donnent au film son côté spectaculaire. Peut-être regrettera-t-on en revanche les trop nombreux arcs narratifs, mais au final comme tout converge très vite ce n'est pas très grave, et dans une très belle dernière scène, tout se relie enfin, comme la dernière pièce qui révèle le motif d'ensemble du puzzle.